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La France et le Moyen-Orient
LES FICHES HISTOIRE
Par Bérengère Long

FICHE HISTOIRE

La présence française au Moyen-Orient

Le terme « Moyen-Orient » est apparu en Occident à la fin du XIXème siècle pour désigner les territoires entre la Méditerranée, l’Asie du Sud-Ouest, l’Iran et l’Égypte. Il englobe aujourd’hui une quinzaine de pays : l’Arabie Saoudite, Bahreïn, Chypre, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis (EAU), l’Irak, l’Iran, Israël, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, le Qatar, la Syrie, la Turquie et le Yémen.

C’est également le berceau des trois religions monothéistes : le Judaïsme depuis 4 000 ans, le Christianisme depuis 2 000 ans et l’Islam depuis 1 400 ans. Aujourd’hui les pays du Moyen-Orient sont presque tous à ultra-prédominance musulmane, à l’exception du Liban et d’Israël. Sa position géographique fait de cette région le carrefour des civilisations venant d’Afrique, d’Europe et d’Asie en particulier avec les différents points de passage commerciaux que sont le détroit des Dardanelles, le détroit du Bosphore, le canal de Suez, le détroit de Tiran, Bab el-Mandeb, le détroit d’Ormuz.

Depuis 700 ans, la France est un acteur majeur au Moyen-Orient.

 

Du Moyen-Âge au XVIIIème siècle

      XIIème et XIIIème siècles : le temps des croisades

Afin de « libérer » les Lieux saints et permettre à nouveau les pèlerinages chrétiens, les Francs se lancent dans des expéditions armées en Orient : ce seront les croisades. Des « royaumes francs » sont instaurés, dirigés par des nobles français.

Ces invasions sanglantes consacrées par les papes successifs cessent à la fin du XIIIème siècle, sans qu’aucun État latin d’Orient ne perdure. Cette période creuse le fossé entre catholiques et musulmans, mais aussi entre catholiques et orthodoxes.

1536 : signature de Capitulations entre François Ier et Soliman le Magnifique

Les Capitulations sont des textes accordant des privilèges commerciaux aux Français, confiant à la France la garde des Lieux saints et garantissant aux Chrétiens de pouvoir pratiquer leur culte dans l’empire ottoman. 

François Ier et Soliman le Magnifique vont plus loin en concluant une alliance contre l’Empire des Habsbourg.

Ces accords seront complétés et renouvelés par les rois de France jusqu’à la chute de la monarchie en 1792.

L’alliance franco-ottomane

Accords « impies » entre  un royaume chrétien et un empire musulman, l’alliance franco-ottomane choque à une époque où le protestantisme prend son essor. Elle permettra cependant à la France de résister aux assauts de Charles Quint. L’Occident bénéficiera aussi de la diffusion des savoirs et technologies orientales ainsi que d’un élargissement de ses marchés à long terme.

Juxtaposition de deux tableaux du Titien (1490-1576) : François Ier, huile sur toile, 1539 ; Soliman le Magnifique, huile sur toile, vers 1530.
Musée du Louvre, Paris (France)
Kunsthistorisches Museum, Vienne (Autriche)

XIXème siècle

     1798-1801 : la campagne d’Égypte

Le Directoire envoie Napoléon Bonaparte envahir l’Égypte afin de s’approprier ses richesses, mais surtout pour barrer la route des Indes à l’Empire britannique. Face au Royaume-Uni, l’armée française finira par capituler mais l’expédition scientifique est un succès culturel et l’« égyptomanie » se répand dans la société française. De nombreux objets et monuments sont ramenés en France.

Cette campagne d’Égypte modifiera profondément l’organisation égyptienne et le français sera la deuxième langue du pays jusqu’en 1956.

         XIXème siècle : le lent délitement de l’Empire ottoman

Au cours du XIXème siècle, de nombreux pays se détachent de l’Empire ottoman pour prendre leur indépendance : c’est notamment le cas de la Grèce, la Serbie, la Roumanie et la Bulgarie. Les Ottomans conservent le Moyen-Orient où les influences française, britannique et allemande se renforcent : la France envahit l’Algérie en 1830 et met en place un protectorat en Tunisie en 1881. Le Royaume-Uni conquiert l’Égypte en 1879.

Dans l’empire, le français est la deuxième langue des minorités chrétiennes et d’une partie de la bourgeoisie musulmane.

Soldats ottomans durant la guerre de Crimée opposant l’Empire russe et une coalition ottomane, française, britannique et sarde, en 1854

L’« homme malade de l’Europe »

En 1853, l’Empire ottoman décline tandis que les Empires russe et austro-hongrois jouent un rôle grandissant dans le jeu des puissances européennes. Nicolas Ier, tsar de Russie, qualifie l’Empire ottoman d’« homme malade ». L’expression, consacrée comme « homme malade de l’Europe », sera réutilisée jusque dans notre période contemporaine à propos de différents pays du continent européen.

 

     1860: l’intervention armée française au Liban

Pour venir à bout des affrontements intercommunautaires entre maronites et druzes, survenus au mont Liban (sans compter le massacre de Chrétiens à Damas), Napoléon III fait débarquer à Beyrouth 7000 soldats français, qui demeureront un an sur place. Cette intervention inaugure les nombreuses actions engagées par la France en faveur des populations libanaises jusque de nos jours. En 1920, dans la cadre du mandat conféré par la SDN, la France créera un Etat sur mesure aux chrétiens libanais, en détachant de la Syrie les régions du mont Liban, de la plaine de la Bekaa et du littoral avoisinant. 

     1869 : inauguration du canal de Suez

Lancé par l’ingénieur Ferdinand de Lesseps, ami du gouverneur d’Égypte Saïd Pacha, le canal de Suez rétablit le canal antique reliant la Méditerranée à la mer Rouge, malgré les entraves britanniques. Le canal restera longtemps un sujet de conflit entre France et Royaume-Uni. Les Britanniques finiront par s’emparer de l’Egypte -et du canal de Suez- en 1879. 

Napoléon III mène une politique arabophile libérale : il permet aux colonies de commercer librement avec les pays étrangers et veut voir une égalité de traitement entre indigènes et colons. Il souhaite voir naître un royaume arabe… qui resterait sous la coupe de la France. 

La protection des chrétiens du Proche-Orient

Tout comme aux premières heures des relations franco-ottomanes, il tient à cœur aux gouvernements successifs d’assurer la sécurité des chrétiens d’Orient.

Des écoles congrégationnistes françaises sont fondées au Moyen-Orient et jouent un rôle important dans la formation des élites locales. Elles sont soutenues par le gouvernement français sous la Troisième République. Napoléon III, s’appuyant sur les Capitulations, envoie des troupes protéger les chrétiens du Liban.

Chrétienne de Zahlè, druse du Liban, chrétienne de Zgarta, photographie de Pascal Sebah tirée de Les Costumes Populaires De La Turquie en 1873, Exposition universelle de Vienne

XXème siècle

    1919 : la dissolution de l’Empire ottoman

L’Empire ottoman, allié de l’Allemagne pendant la Première guerre mondiale, disparaît des suites de la défaite. Ses territoires au Moyen-Orient sont répartis entre la France et l’Angleterre. Depuis 1916, les accords Sykes-Picot, signés entre les deux puissances européennes, prévoient le découpage du territoire en plusieurs zones au profit des deux signataires, une fois l’Empire ottoman battu et démantelé. 

Le Moyen-Orient est morcelé en cinq zones, chaque pays de l’Entente s’octroyant une zone d’administration directe et une zone d’influence. La France administre le Liban actuel et exerce une influence sur la Syrie actuelle et le nord de l’Irak. Le Royaume-Uni administre le Koweït actuel et le sud de l’Irak et exerce une influence sur le sud Syrie actuel, la Jordanie et la future Palestine mandataire. À ces quatre zones s’ajoutent le territoire de Saint-Jean-d’Acre, Haïfa et Jérusalem. La Russie et l’Italie reçoivent quant à elles une partie de l’Anatolie.

Carte du découpage de l’Empire ottoman en territoires indépendants ou sous influence étrangère d’après le traité de Sèvres de 1920 – Cédric Boissière (Wikipédia)

L’accord est entériné et légalisé par la Société des Nations. Puis le traité de Sèvres en 1920, et celui de Lausanne en 1923. La France reçoit le mandat sur le Liban et la Syrie tandis que la Grande-Bretagne forme un mandat sur la Mésopotamie, sur la Palestine et la Transjordanie. À ce partage s’ajoute la création de  nations indépendantes : la Turquie et l’Arabie Saoudite. C’est le point culminant de la présence française dans la région.

            Juin 1941: les Français libres en Grande Syrie 

Sous contrôle, depuis 1940, des forces armées de Vichy, la Grande Syrie (Liban et Syrie) est libérée par les Alliés, dont 5000 Français Libres. Ces derniers, d’abord  laissés pour compte aux termes de l’armistice de Saint Jean d’Acre (entre Vichystes vaincus et Britanniques) parviennent, grâce aux accords Lyttleton-de Gaulle, à prendre en main l’administration locale de ces territoires. Cependant, quelques jours avant les combats (9 juin), le général Catroux et les Britanniques ont déclaré conjointement l’indépendance du Liban et de la Syrie. 

      Mai 1945: le jeu anglais pour précipiter le départ des Français de Syrie

Après que les troupes françaises commandées par le général Oliva-Roget se sont jetées sur Damas pour s’en rendre maîtresses et ont exercé des violences dans toute la Syrie, une intervention militaire britannique a lieu sur place pour imposer et maintenir un cessez-le-feu. Les Anglais ne ménagent rien alors pour précipiter le départ définitif des Français. Ces derniers entendent cependant demeurer en Grande Syrie aussi longtemps que les troupes d’intervention britannique y demeureront elles-mêmes.

          17 avril 1946: la fin de la présence française en Syrie 

Les derniers soldats français et britanniques évacuent le sol syrien par application d’une décision du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Cette date devient celle de la fête nationale syrienne 

           1948 : création de l’État d’Israël

La France reconnaît Israël en 1949. Elle est son principal fournisseur d’armes durant les années 1950 et 1960. Ce sont ses ingénieurs et techniciens et son aide qui permettent à l’Etat hébreu de construire à Dimona le réacteur et l’usine nucléaires où est conçue l’arme atomique israélienne. En 1967, Israël gagnera la guerre des Six jours grâce aux Mirages fournis par l’avionneur français Marcel Dassault. 

             1956: la crise de Suez

A la suite de la nationalisation du canal de Suez par le Président Nasser le 26 juillet 1956, la France, la Grande-Bretagne et Israël s’allient pour organiser une intervention militaire destinée à en reprendre le contrôle. L’opération a lieu du 31 octobre au 7 novembre et atteint tous ses objectifs. Cependant, les Etats-Unis et l’Union soviétique s’opposent à cette action, et les troupes doivent battre en retraite. 

L’affaire de Suez est une ligne nette de démarcation historique: après cet évènement, les influences française et britannique au Moyen-Orient diminuent substantiellement. 


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Illustration : Juxtaposition de deux tableaux du Titien (1490-1576) : François Ier, huile sur toile, 1539 ; Soliman le Magnifique, huile sur toile, vers 1530.

Musée du Louvre, Paris (France)
Kunsthistorisches Museum, Vienne (Autriche)


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