FICHE HISTOIRE
L’Indonésie, la Malaisie et Brunei ont une histoire commune. Ces pays font tous partie de la région de l’Asie du Sud-Est et ont été influencés par des cultures similaires au fil des siècles. La région a été peuplée par des peuples austronésiens et malais depuis des milliers d’années, mais a aussi été le site de nombreux empires et royaumes, par exemple le royaume de Srivijaya, qui domina l’actuel territoire indonésien pendant plus de sept siècles.
Au fil des années, la région a également été influencée par des cultures extérieures, notamment les cultures indienne et chinoise, ce qui a contribué à la formation de nouvelles dynasties et royaumes. L’islam s’y est répandu à partir du XVème siècle, par les liens commerciaux et la prédication, provoquant la conversion d’une très grande partie des populations. Au XIXéme siècle, la région a été colonisée par les Européens, notamment les Hollandais en Indonésie et les Britanniques en Malaisie et à Brunei. Cette domination européenne a été bouleversée par l’invasion japonaise, lors de la Seconde Guerre mondiale.
De 1945 à 1960
17 août 1945 : proclamation de l’Indonésie indépendante
Le leader nationaliste indonésien Soekarno proclame l’indépendance de l’Indonésie après des décennies de domination coloniale hollandaise.
Koesno Sosrodihardjo, dit Soekarno (1901-1970) est un homme politique indonésien et le premier président du pays indépendant.
Après des études à l’Institut technologique de Bandung aux Indes orientales hollandaises, Soekarno obtient un diplôme d’ingénieur en 1926. Un an plus tard, il fonde le Parti national indonésien. Résolument anticolonialiste, il est arrêté par les Néerlandais à plusieurs reprises et, en 1933, exilé à Bengkulu dans le Sud de Sumatra.
En 1942, les Japonais envahissent l’Indonésie. De retour à Jakarta, Soekarno se range du côté du Japon contre les Néerlandais.
1946 : création de l’Union nationaliste malaise
En Malaisie, les mouvements nationalistes se rassemblent dans L’Union nationaliste malaise avec un objectif politique : obtenir l’indépendance de la couronne britannique.
1948 : incident de Sungai Siput et création de la Fédération de Malaisie
Des directeurs de plantations sont assassinés par des insurgés communistes. Cet évènement est le point de départ d’une longue guérilla entre le Royaume-Uni et les communistes malais.
A la fin de l’année, la Fédération de Malaisie est instituée par les Britanniques qui regroupe onze protectorats locaux. Elle remplace l’Union malaise créée deux ans plus tôt et fortement rejetée par les populations locales, en raison des pouvoirs directs qu’elle conférait au colonisateur anglais. La Fédération de Malaisie perdurera après l’indépendance et disparaîtra en 1963.
Entre 1945 et 1949 : l’Empire colonial hollandais et les nationalistes indonésiens
Les Hollandais luttent pour conserver l’Indonésie après la proclamation de l’indépendance. Cette période est marquée par des affrontements violents entre les forces hollandaises et les nationalistes indonésiens. Ces derniers sont soutenus par une grande partie de la population. Les Néerlandais mènent une guerre d’occupation brutale pour tenter de rétablir leur contrôle sur le pays, ce qui entraîne la mort de nombreux civils indonésiens et le déplacement de milliers d’autres. Malgré ces efforts, les Néerlandais ne peuvent maintenir leur domination et doivent, sous la pression des États-Unis, admettre leur défaite. En 1949, ils signent un accord de reconnaissance de l’indépendance, mettant fin à la guerre. L’Indonésie devient une nation souveraine.
17 août 1950 : Soekarno à la tête de l’Indonésie
La république est proclamée en Indonésie et Soekarno élu son premier président.
18-24 avril 1955 : la conférence de Bandung
La conférence de Bandung, en Indonésie, réunit des États africains et asiatiques, dont certains indépendants depuis peu. Les différents pays participants se prononcent contre le colonialisme et défendent le non-alignement, c’est-à-dire le refus de choisir un camp, soviétique ou occidental, dans le contexte de Guerre froide où ils s’opposent.
1956 : les premiers pas vers l’indépendance malaisienne
Londres reconnaît la légitimité du parlement malais suite à la victoire d’une coalition que les Britanniques jugent modérée. L’année suivante, le Royaume-Uni confirme cette décision. Il ratifie l’indépendance de la Malaisie dans le cadre du Commonwealth, en y posant cependant pour condition la signature d’un accord de défense qui laisse les Britanniques au centre du jeu politique malais.
31 août 1957 : proclamation de l’indépendance malaise
L’indépendance de la Malaisie de 1957 est suivie par une période de chaos politiques et sociaux, avec des émeutes ethniques qui menacent la stabilité du pays. Pour y remédier, les autorités malaisiennes mettent en place des politiques visant à renforcer l’unité nationale et à promouvoir la participation équitable de toutes les communautés ethniques au développement économique. Ce dernier est une priorité du premier ministre Tunku Abdul Rahman.
La reconstruction économique de la Malaisie est une priorité, qui vise en particulier le développement de l’industrie, l’agriculture et des infrastructures. Parallèlement, le Premier ministre Tunku Abdul Rahman, met en place des politiques de libre-échange et de libre marché pour stimuler la croissance. Malgré les défis, la Malaisie réussit à maintenir un environnement politique stable et à consolider sa position en tant que pays en développement. Les premières années de l’indépendance de la Malaisie sont déterminantes pour l’établissement de la nation moderne qu’elle est devenue aujourd’hui.
1959 : Brunei sous protectorat du Royaume-Uni
Brunei, riche en pétrole est demeuré sous protectorat britannique. En 1959 il adopte sa première constitution. Celle-ci établit un Conseil législatif et un gouvernement, mais laisse un pouvoir quasi-absolu au Sultan. Ce dernier peut librement nommer et révoquer les membres du gouvernement, annuler des lois et gouverner directement par décret, si la situation l’exige. Cependant, par le régime du protectorat, c’est toujours le Royaume-Uni qui contrôle le pays.
16 septembre 1963: Création de la Malaisie
Après deux années de négociations supervisées par les Britanniques, Sarawak, Sabah (ex-Nord-Bornéo) et Singapour rejoignent la Fédération de Malaisie qui compte désormais quatorze Etats dont deux sur l’île de Bornéo. La Fédération de Malaisie est rebaptisée Malaisie.
1964 : la « Confrontation »
Soutenue ouvertement par le bloc de l’Est, l’Indonésie de Soekarno engage une “Confrontation” armée avec son voisin malais, pour s’opposer au rattachement des anciennes colonies britanniques de Sabah et Sarawak à la Malaisie. Cette dernière, soutenue par la Grande-Bretagne, fait face avec succès. Les affrontements prennent fin en 1966.
9 août 1965 : déclaration de l’indépendance de Singapour
Singapour, à forte communauté chinoise, fait sécession de la Malaisie et devient un État indépendant. Les Malais sont désormais l’ethnie majoritaire de la Fédération à plus de 60%.
Singapour est une Cité-État située au sud de la péninsule malaise, à environ 137 kilomètres au nord de l’équateur. Elle se compose de l’île principale, Singapour, en forme de diamant, et d’une soixantaine de petits îlots.
Le pays est le plus grand port d’Asie du Sud-Est et l’un des plus actifs au monde. Il doit sa prospérité à sa position géographique. En effet, la Cité-État se trouve à l’extrémité sud de la Malaisie, et domine le détroit de Malacca, qui relie l’océan Indien à la mer de Chine méridionale.
1er octobre 1965 : l’Indonésie bascule dans le camp occidental
En Indonésie, un complot présumé contre le président Soekarno est déjoué par un “conseil révolutionnaire” dirigé par un officier de la garde présidentielle. Le général Soeharto prend le contrôle de la répression et les rebelles sont arrêtés en quarante-huit heures. Le Parti communiste indonésien (PKI), accusé d’avoir orchestré le complot, est dissous par Soeharto. Cette accusation contre les communistes sera remise en question par la suite, Soeharto étant alors lui-même soupçonné d’implication dans le coup d’État. Cependant, les accusations de Soeharto contre le PKI entraînent une chasse aux communistes qui dure des mois et cause entre 500 000 et trois millions de morts. Plus d’un million de personnes sont détenues et torturées, leurs familles et descendants privés de droits politiques, interdits de scolarisation et d’accès aux emplois publics. En 1966, Soekarno est forcé de laisser le pouvoir à Soeharto. Ce changement de dirigeant amène de facto le basculement de l’Indonésie dans le bloc de l’ouest.
Hutomo Mandala Putra, dit Soeharto (1921-2008) est un militaire et homme d’État.
En 1940, le jeune Soeharto entre dans l’armée royale des Indes néerlandaises, puis, à la fin de la deuxième Guerre mondiale, il intègre le Parti nationaliste indonésien de Soekarno. Il y gravit les échelons. À la tête de l’Indonésie de 1967 à 1998, il est élu président de la République pour six mandats successifs, de 1973 à 1998.
1971 : le maintien d’un équilibre ethnopolitique en Malaisie
Des politiques sont mises en place en Malaisie qui entraînent la transformation rapide de l’économie et de la société, telle la controversée Nouvelle politique économique (NEP), destinée à augmenter proportionnellement la part ethnique des Malais dans l’économie, lancée par le Premier ministre Tun Abdul Razak. Par la suite la Malaisie va au contraire tenter un équilibre ethno-politique délicat, cherchant à combiner le développement avec des politiques publiques et économiques qui favorisent la participation équitable des communautés.
23 novembre 1971 : autonomie de Brunei par rapport au Royaume-Uni
Le sultan de Brunei, Hassanal Bolkiah, se rend à Londres pour discuter de modifications à la constitution de 1959. Un nouvel accord est signé en novembre 1971, accordant à Brunei une autonomie interne complète, tandis que le Royaume-Uni reste responsable des affaires étrangères et de la défense.
7 Décembre 1975 : l’invasion du Timor oriental
L’armée indonésienne envahit le Timor oriental après que le parti indépendantiste Fretilin déclare son indépendance vis à vis du Portugal. L’Indonésie justifie l’intervention sous prétexte d’un appel à l’aide de deux autres partis pro-indonésiens à Timor. Les 24 années d’occupation qui suivent causent 200 000 morts sur une population d’environ un million de personnes.
Janvier 1979 : une nouvelle entente entre Brunei et le Royaume-Uni
Un nouveau traité est signé, permettant à Brunei de prendre en charge ses responsabilités internationales en tant que nation indépendante. Le Royaume-Uni reste toutefois proche de Brunei par son assistance dans les affaires diplomatiques.
Sous la dictature de Soeharto, l’Indonésie connaît une croissance économique rapide grâce à ses revenus tirés du pétrole, qui représentent 80% de ses exportations en 1980. Cette manne est utilisée pour financer le développement des infrastructures, de la santé et de l’éducation primaires, ainsi que pour l’industrie d’État.
1981 : le renouveau de l’économie malaisienne
Mahathir Mohamad devient Premier ministre de la Malaisie et s’attèle à la modernisation de l’économie du pays. Il lance une série de réformes pour stimuler la croissance. Il axe notamment sa politique sur la promotion de l’industrie, l’agriculture, les infrastructures et les services. Pendant ses mandats (de 1981 à 2003), la Malaisie devient l’une des économies les plus dynamiques d’Asie et l’un des principaux exportateurs mondiaux de produits manufacturés. Mahathir prend également des mesures pour améliorer la qualité de vie des Malaisiens, notamment en matière d’éducation, de santé et de logement. Cependant, son action souffre d’un déficit démocratique : manque de transparence et de liberté de la presse, méthodes controversées à l’encontre des oppositions politiques. Au surplus, certaines de ses réformes économiques ont des effets sociaux négatifs, provoquant l’accroissement des inégalités économiques.
22 septembre 1984 : reconnaissance de Brunei par les Nations Unies
Le sultanat de Brunei est admis aux Nations Unies en septembre 1984. Brunei entretient depuis des relations cordiales avec ses voisins. Le pays est, encore aujourd’hui, une monarchie absolue, où le pouvoir est entre les mains du sultan et de sa famille. Il n’y a pas de système multipartite ou démocratique formel. Les partis politiques ne sont pas autorisés. En 2019, Brunei a introduit un Conseil législatif, simple assemblée consultative.
L’Association of South East Asian Nations (ASEAN) est un organisme créé en 1967 pour contribuer au développement économique, social et culturel du sud-est asiatique. L’Indonésie et la Malaisie font partie des pays fondateurs, Brunei les rejoint en 1984. Les autres membres sont la Birmanie, le Cambodge, le Laos, les Philippines, Singapour, La Thaïlande et la Vietnam.
21 mai 1998 : le départ de Soeharto
L’Indonésie connaît une crise économique en raison de la chute de la valeur de sa monnaie. Après des manifestations à travers le pays et la pression du FMI, Soeharto est forcé à la démission au mois de mai 1998. Les premières élections démocratiques ont lieu en septembre 1999 et Abdurrahman Wahid est élu président. Cependant, il est destitué en 2001 et remplacé par Megawati Soekarnoputri, fille de l’ancien président Soekarno.
2004 : les premières élections présidentielles directes en Indonésie
Un amendement de la constitution indonésienne permet les premières élections présidentielles directes à deux tours. Susilo Bambang Yudhoyono est élu au deuxième tour face à Megawati.
Depuis, de nouvelles élections ont lieu régulièrement et plusieurs alternances de pouvoir pacifiques se sont produites. Cependant, les défis persistent pour la démocratie en Indonésie et sa consolidation : le combat contre la corruption, la polarisation politique, les discriminations religieuse et ethnique, et les restrictions des libertés de la presse et d’expression. Les gouvernements successifs ont également dû faire face à des problèmes économiques et sociaux tels que la pauvreté, l’inégalité et les problèmes environnementaux. Malgré cela, la vie politique indonésienne est restée relativement stable et a continué à se développer dans un sens plus démocratique.
Le Président Soeharto et la Reine des Pays-Bas, Juliana à Ypenburg (La Haye), photographie de la Collection Anefo, photographe Koch, Eric / Anefo, 3 septembre 1970, Archives nationales des Pays-Bas