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L’Inde et le Pakistan ⋅ Des indépendances à la fin du XXe siècle
LES ARTICLES
Par Juliette Estaquet

ARTICLE

L’Inde et le Pakistan

Des indépendances à la fin du XXe siècle

 

Le sous-continent indien avant les indépendances: l’ère de la domination britannique. 

Du XVIIe au XVIIIe siècle, progressivement, les Britanniques, par le truchement de la Compagnie des Indes orientales (East India Company), fondée en 1600 pour leur assurer le monopole du commerce dans l’océan indien – aux dépens des empires coloniaux espagnols et portugais-  avaient acquis des territoires du sous-continent indien, y prenant le contrôle des gouvernements locaux pour y gérer le commerce des richesses régionales. Dès le milieu du XVIIIème siècle, l’Empire des Moghols déclinait face à cette extension. 

Au cours de cette période appelée le Raj de la Compagnie (Company Raj), les colons britanniques encourageaient la production d’indigo, de coton, de thé, de café et de pavot. Cependant, en mai 1857, des mutineries de soldats indiens des armées britanniques éclatèrent. Face à l’insurrection des Cipayes, le Government of India Act fut adopté en 1858. Cette loi entraîna la dissolution de la Compagnie des Indes et transféra le pouvoir à la Couronne britannique. L’Inde devint officiellement une colonie britannique. Le Raj britannique, c’est-à-dire l’empire colonial britannique à l’échelle du sous-continent indien, commençait. En 1876, la reine Victoria fut proclamée Impératrice des Indes. Le pays fut alors divisé en provinces directement administrées par l’Empire et en centaines d’États princiers sous suzeraineté britannique. Des fonctionnaires étaient envoyés aux Indes pour gérer la colonie. L’ère du Raj britannique devait s’étendre jusqu’en 1947.

                                      La montée d’une revendication indépendantiste 

Dès le début du XXème siècle, une lutte pour l’indépendance prit forme. Des mouvements nationalistes apparurent; l’ avocat Gandhi fut élu au Congrès national indien. Dans les années 1920, il devint l’incarnation de la résistance non violente et de la désobéissance civile, organisant le boycott des produits britanniques et des grèves de la faim. En 1930, il entreprit la Marche du sel pour l’indépendance. À la fin de la décennie deux partis indépendantistes dominaient : le Congrès dirigé par Nehru et la Ligue musulmane menée par Muhammad Ali Jinnah. Les tensions entre hindous et musulmans ne cessaient de croître.

La participation de plus de deux millions et demi d’Indiens au second conflit mondial dans les rangs de l’armée britannique accrût les aspirations indépendantistes. Le 8 août 1942, Gandhi lança le Quit India, un appel à la désobéissance civile pour une indépendance immédiate. À la suite de l’invasion de la Birmanie par le Japon, allié de l’Allemagne, une famine meurtrière toucha le Bengale en 1943. Les divisions s’accentuaient entre le Congrès et la Ligue musulmane. Elles aboutirent à l’émergence de deux visions de l’indépendance. Gandhi et Nehru étaient partisans d’une nation unique et unifiée, tandis que Ali Jinnah, inquiet du rapport de force entre hindouistes et musulmans, défavorable à ces derniers, souhaitait désormais la création de deux nations. Le dirigeant de la Ligue musulmane appela à une journée d’action directe pour la création d’un État musulman indépendant. Cet appel de Jinnah du 16 août 1946 eût des conséquences désastreuses. À Calcutta, capitale de la province du Bengale, de violentes émeutes éclatèrent entre les deux communautés religieuses et firent plusieurs milliers de morts. Les Britanniques, craignant une guerre civile, décidèrent alors de se retirer. L’ élection des travaillistes en Angleterre contribua à cette décision.  

De l’indépendance à la fin des années 1960

1947-1949 : la partition de l’Empire britannique des Indes

En mars 1947, Lord Louis Mountbatten, vice-roi des Indes et cousin du roi George VI arrive en Inde pour régler la transition. Il parvient rapidement à convaincre Gandhi et le parti du Congrès, qui s’y opposent encore, de la nécessité d’une partition en deux Etats. Une Inde hindoue, un Pakistan musulman. L’avocat britannique Cyril Radcliffe délimite leurs frontières. Le tracé doit tenir compte des majorités religieuses territoire par territoire. Tâche compliquée: les communautés religieuses sont dispersées. Les 14 et 15 août 1947, l’Indian Independence Act entre en vigueur. L’Inde et le Pakistan deviennent des dominions indépendants. L’Union indienne est un pays laïque à majorité hindoue. Le Pakistan est un pays musulman scindé en deux espaces distincts: un Pakistan occidental et un Pakistan oriental (actuel Bangladesh). Le territoire indien les sépare l’un de l’autre de 1700 kilomètres. 

Ce découpage territorial trop grossier entraîne l’exode de millions de musulmans et d’hindous. De nombreux massacres ont lieu entre les deux communautés, qui se déchirent depuis plus de soixante-dix ans. Les exodes eux-mêmes et la désorganisation économique qui les accompagne, causent la mort de plusieurs milliers de personnes.

Au moment de l’indépendance, certains états princiers ne sont attribués ni à l’Inde ni au Pakistan. C’est le cas du Jammu-et-Cachemire, qui obtient un statut provisoire d’autonomie. Bien que sa population soit majoritairement musulmane, cet État est dirigé par Hari Singh, un maharadjah de confession hindoue. Le territoire himalayen du Cachemire est convoité de part et d’autre pour sa position géostratégique. Outre une frontière commune avec l’Inde et le Pakistan, il est voisin du Tibet et de la province chinoise de Sinkiang. La question du rattachement du Cachemire déclenche la première guerre indo-pakistanaise. Face aux tentatives des troupes pakistanaises pour s’emparer de l’État, Hari Singh se tourne vers New Delhi. En octobre 1947, il demande à l’Inde une aide militaire, en échange du rattachement territorial du Cachemire. Une guerre civile s’ensuit.

 

Guerriers de tribus pachtounes pendant la première guerre du Cachemire, 1947 – Archives de l’armée pakistanaise

Gandhi tente d’apaiser la situation en dialoguant avec les dirigeants des deux communautés. Le 13 janvier 1948, il entame un jeûne pour demander que les violences cessent. Les nationalistes hindous perçoivent cette action comme un soutien aux Pakistanais. Gandhi est assassiné par l’un d’eux le 30 janvier 1948. La guerre s’achève le 1er janvier 1949 par un cessez-le-feu proposé par les Nations Unies. L’État princier est alors divisé en deux. L’Inde obtient les deux tiers du territoire, avec le Jammu-et-Cachemire au sud, tandis que le Pakistan obtient le tiers restant, avec les Territoires du Nord et l’Azad Cachemire (le Cachemire libre fondé en 1947).

La partition ne convient cependant à aucune des deux nations. L’Inde s’était engagée à organiser un référendum auprès des Cachemiris, mais celui-ci ne sera finalement jamais organisé. Afin d’éviter une nouvelle guerre, les Premiers ministres indien et pakistanais entament des pourparlers. Ces échanges aboutissent à la signature du pacte Liaquat-Nehru ou pacte de Delhi, le 8 avril 1950. Cet accord se montre favorable aux droits des minorités, autorise le retour de réfugiés dans les deux pays, et la restitution des biens pillés.

1950-1957 : Vers une transition démocratique ?

                                                                   En Inde

Au lendemain de la partition de 1947, Jawârharlâl Nehru est nommé Premier ministre de l’Inde. L’héritier politique de Gandhi exerce ces fonctions jusqu’à sa mort en 1964. Il apporte ainsi à l’Union indienne une stabilité politique remarquable pendant presque deux décennies. Le 26 janvier 1950, la Constitution de l’Inde entre en vigueur. Le texte, rédigé principalement par le ministre de la Justice, Babasaheb Ambedkar, fervent défenseur des Intouchables, abroge l’Indian Independence Act. L’Inde n’est désormais plus un dominion de la Couronne britannique. Nehru proclame une République démocratique souveraine. L’Inde devient la plus grande démocratie du monde.

Pour parer aux difficultés économiques et à la menace d’une famine, le Premier ministre indien met en œuvre des mesures agricoles. Dès 1948, il déclare : « Everything else can wait but not agriculture » (« Tout le reste peut attendre, mais pas l’agriculture »). Les efforts de modernisation agricole se déploient dès les années 1950. En 1956, dans le cadre de la Public Law 480, l’Inde signe un traité économique avec les États-Unis. Cet accord lui permet d’importer des produits agricoles à bas prix et en roupies. Des fondations américaines vont contribuer au développement de la production intensive en Inde. Ainsi par exemple de la Fondation Ford. L’Inde reçoit également des aides financières de la part de l’Union soviétique pour la construction d’entreprises.

En politique extérieure, l’Inde signe le 29 avril 1954 l’accord de Panchsheel avec la Chine. Le traité sino-indien affirme cinq principes majeurs : le respect mutuel de l’intégrité de leurs territoires, la non-agression mutuelle, la non-interférence mutuelle, l’égalité et le bénéfice mutuels, la coexistence pacifique. Le Tibet est désormais considéré comme une région chinoise. En acceptant ces conditions Nehru s’affiche en partisan de la paix et de la stabilité. Parallèlement l’Inde, en participant à la Conférence de Bandung en avril 1955, affirme sa position anticoloniale, et son non-alignement dans le contexte de la Guerre froide.

                                                                Au Pakistan

Contrairement au cas de l’Inde, les années qui suivent l’indépendance sont, au Pakistan, marquées par l’échec de sa tentative pour construire un État démocratique. Dans ce pays fondé sur une base religieuse, (Pakistan signifie “terre des purs”), la première décennie se caractérise par une instabilité politique, à laquelle viennent s’ajouter des difficultés économiques.

En 1948, Muhammad Ali Jinnah, gouverneur général du Pakistan, meurt. Cette  figure fédératrice disparue, trois premiers ministres se succèdent à la tête du gouvernement. Ils sont chargés tour à tour de travailler sur le projet constitutionnel. Le premier, Nawabzada Liaquat Ali Khan, est considéré comme le continuateur d’Ali Jinnah. Avocat et musulman modéré, il n’est pas favorable à une islamisation complète du régime politique. Le 7 mars 1949, il présente devant l’Assemblée l’Objectives Resolution. Ce texte établit les bases de la future constitution du pays. Mais Liaquat Ali Khan est assassiné en octobre 1951. Khawaja Nazimuddin lui succède, mais il est limogé en 1953 par le gouverneur général Malik Ghulam Muhammad. Muhammad Ali Bogra lui succède jusqu’en 1955.

Au cours de cette période, les divisions augmentent au sein de la Ligue musulmane entre les Pakistanais occidentaux et orientaux (Bangladais). Les députés de l’Assemblée constituante ne parviennent pas à s’accorder sur l’établissement d’un texte. Après plusieurs années de négociations, le Pakistan demeure toujours sous le régime transitoire du dominion. En conséquence, l’Assemblée est dissoute en octobre 1954 par Ghulam Muhammad. Le 30 septembre 1955, le One Unit Scheme est adopté, afin de rééquilibrer le rapport politique interne entre Pakistan occidental et Bengale oriental (actuel Bangladesh). Cette mesure entraîne la fusion des quatre provinces du Pakistan occidental en une seule, et le changement de nom du Bengale, rebaptisé Pakistan oriental. En janvier 1956, la nouvelle Assemblée élue vote la première Constitution du pays, qui instaure une République islamique.

Mais cette nouvelle Constitution ne parvient pas à enrayer l’instabilité politique. De nouveau, trois premiers ministres se succèdent, et le texte est finalement abrogé en 1958, suite au coup d’État d’Iskander Mirza et du chef de l’armée Muhammad Ayub Khan.

1958-1964 : Le régime autoritaire de Ayub Khan face à l’Inde démocratique de Nehru

                                                                Au Pakistan

Le coup d’État de Mirza et d’Ayub Khan (7-8 octobre 1958), décrète la loi martiale. Les partis politiques sont supprimés. Mais Auyb Khan prend le dessus sur Mirza, forcé à démissionner, et devient président de la République pakistanaise. Il instaure la première dictature militaire du pays.

Réalisée sans violence, la prise du pouvoir est plutôt bien accueillie par la population. Un an plus tard, le président en place publie Basic Democracies Order, qui annonce l’organisation d’élections présidentielles. Mais la mesure est purement nominale. Le scrutin est à candidature unique, la sienne. Il élu en 1960 avec 95% des voix. Le 8 juin 1962, la deuxième Constitution est adoptée et met un terme à la loi martiale. Le président possède désormais un droit de veto sur la majorité des décisions du Parlement. Le régime conduit une réforme agraire et développe le secteur de l’industrie. Une part importante du budget est destinée à la modernisation de l’armée.

La dictature d’Ayub Khan est également marquée par une volonté de moderniser l’islam. L’ordonnance du 15 juillet 1961 restreint la polygamie. Une réforme sur le divorce est initiée. En politique étrangère, le Pakistan se rapproche de la Chine.

                                                                     En Inde

En 1959, le soulèvement des Tibétains est fermement réprimé par la Chine et provoque un exode important en Inde. Nehru accorde l’asile politique au dalaï-lama. Les tensions s’accentuent entre la Chine et l’Inde. Deux régions frontalières sont particulièrement conflictuelles : l’Aksai Chin et l’Arunachal Pradesh. Le 20 octobre 1962, la République populaire de Chine, dirigée par Mao Zedong, lance 80 000 hommes contre les Indiens. L’Armée populaire domine en nombre et en armement; la défaite indienne est écrasante. Le 21 novembre 1962, un cessez-le-feu intervient, d’initiative chinoise. La Chine garde l’Aksai en échange de l’Arunachal Pradesh. Quoique durement battue, l’Inde veille jalousement ne pas remettre en cause sa position de non-alignée. Ainsi Nerhu déclare-t-il après les combats :

Il est évident que devant le grave danger qui nous menace, nous devons recevoir une aide de l’étranger, mais les pays qui nous donnent des armes reconnaissent notre politique de non-alignement, même l’Union soviétique qui nous aide comme les autres. Je pense que le non-alignement est une bonne politique pour nous et pour le monde entier car si nous sommes engagés dans une guerre, je ne veux pas qu’elle dégénère en un conflit mondial.

Nehru meurt en 1964. Lal Bahadur Shastri lui succède à la fonction de Premier ministre. Dans la continuité du programme agricole de Nehru, il met en place la Révolution verte destinée à augmenter les rendements agricoles grâce à une modernisation des techniques.

1965-1970 : La seconde guerre indo-pakistanaise et ses conséquences

En août 1965, la question du Cachemire oppose à nouveau l’Inde et le Pakistan. Au cours de l’opération Gibraltar, des militaires pakistanais habillés en civils infiltrent le nord du Cachemire. L’Inde réagit en envoyant des troupes. La seconde guerre indo-pakistanaise est déclenchée. Les tensions augmentent lorsque la Chine menace d’intervenir aux côtés du Pakistan. Le 22 septembre 1965, un cessez-le-feu a lieu grâce à l’intervention des Nations Unies. Le conflit a fait plus de 7000 morts. Les négociations menées notamment par l’Union soviétique aboutissent à un traité de paix. La déclaration de Tachkent est signée entre Ayub Khan et le premier ministre indien Shastri le 10 janvier 1966. Il prévoit un retour aux anciennes frontières du Cachemire établies en 1949 – et ne satisfait aucune des deux parties.

                                                                   Au Pakistan

La guerre de 1965 marque un tournant dans la dictature militaire d’Ayub Khan. Confronté aux difficultés économiques, le régime voit sa popularité diminuer après la défaite pakistanaise. La population s’indigne du budget octroyé à l’armée et réclame l’instauration d’une démocratie. Dès 1967, des contestations étudiantes et des grèves se multiplient dans tout le pays et donnent naissance au Mouvement de 1968. Les organisations syndicales agricoles, ouvrières et étudiantes sont rejointes par le Parti du peuple pakistanais et par la Ligue Awami. Les tensions sont au plus haut en janvier 1969, lorsqu’un syndicaliste étudiant est tué par la police à l’université de Dacca. Sa mort attise l’agitation, il est érigé en martyr. La répression se poursuit mais les grèves se généralisent à tous les corps de métiers.

Le 25 mars 1969, par message radiodiffusé, Auyb Khan n’a d’autre choix que d’annoncer sa démission. Mais la victoire de l’opinion est en trompe l’oeil. Le pouvoir est confié au général Yahya Khan, qui restaure aussitôt la dictature militaire. Il abroge la Constitution et décrète la loi martiale. La liberté de la presse est restreinte. Cependant des mesures destinées à apaiser les tensions, telles que la légalisation des grèves en novembre 1969, ou la libération de prisonniers, sont parallèlement prises. Le 29 mars 1970, Yahya Khan promulgue une Constitution provisoire et organise des élections législatives pour décembre.

                                                                     En Inde

En Inde, le Premier ministre Shastri meurt en 1966. Indira Gandhi, fille de Nehru, qui était ministre sous son gouvernement, lui succède en 1967. Elle a remporté les élections législatives à la tête du Parti du Congrès. Mais ce scrutin atteste d’un changement dans le paysage politique indien; le Congrès n’a désormais plus la majorité. Suite à la guerre indo-pakistanaise de 1965, aux mauvaises récoltes et à la dévaluation de la roupie en 1966, les partis de droite et les partis révolutionnaires ont progressé. Le Congrès n’a plus que 40% des sièges.

Dès son arrivée au pouvoir, Indira Gandhi s’attache à poursuivre la Révolution verte destinée à assurer une sécurité alimentaire aux Indiens. Dans la lignée de Nehru, elle développe un programme socialiste. Sa décision de nationaliser les grandes banques privées engendre une crise politique, en 1969. Elle devient certes populaire auprès des classes moyennes et des populations pauvres, mais une scission se crée au sein du Parti du Congrès. Elle n’obtient pas de réduire, comme elle le voudrait, les privilèges des princes qui ont rejoint l’Union indienne en 1947. Sa campagne pour les élections de l’année suivante s’appuie sur le slogan « Supprimez la pauvreté ». En mars 1971, Indira Gandhi remporte à nouveau les élections législatives.

1971 : La troisième guerre indo-pakistanaise

Contrairement aux deux conflits qui précèdent, la guerre indo-pakistanaise de 1971 ne concerne pas la région du Cachemire. Elle puise ses origines dans l’insatisfaction grandissante des Pakistanais orientaux. S’estimant exclus de la gestion politique du pays, ils revendiquent leur indépendance. La Ligue Awami, créée en 1949, d’orientation laïque et socialiste, est porteuse de cette aspiration. Au surplus, le gouvernement pakistanais suscite de vives critiques pour sa gestion du cataclysme provoqué par le cyclone de Bhola, qui s’est abattu sur le Pakistan oriental en novembre 1970 et a causé la mort d’au moins 224 000 personnes. 

Dans ce contexte, la Ligue Awami remporte les élections législatives de décembre 1970. Mais le général Yahya Khan, président du Pakistan, s’oppose aux résultats électoraux. En réaction se lève un mouvement de désobéissance civique, conduit par dirigeant de la Ligue Awami, Mujibur Rahman, qui lance un appel à la grève générale le 7 mars 1971.

La guerre de libération du Bangladesh débute le 25 mars 1971 lorsque l’indépendance est proclamée. Yahya Khan ordonne immédiatement l’arrestation de Rahman et organise la répression (opération Searchlight). Il justifie son intervention par les violences commises à Chittagong par les Bengalis sur les Biharis, minorité islamique qui, lors des élections de 1970, a soutenu la Ligue musulmane aux dépens de la Ligue Awami. Les deux communautés du Pakistan oriental s’opposent notamment sur la question des langues : les Biharis parlent l’ourdou et non le bengali. La guerre de 1971 oppose les indépendantistes bangladais aux soldats de l’armée régulière pakistanaise, soutenus par les Biharis.

La résistance bangladaise s’organise au sein de la Mukti Bahini,  qui réunit des militaires et des civils. Pendant le conflit, l’armée pakistanaise et la milice islamiste Al-Badr (essentiellement composée de Biharis) se rendent coupables d’un génocide perpétré contre la population bengalie. Des massacres, viols de masse, meurtres nombreux d’intellectuels (médecins, universitaires, etc…), sont commis. Des camps d’extermination sont à l’oeuvre. Ces crimes entraînent l’exode de dix millions de réfugiés vers l’Inde. Le gouvernement indien d’Indira Gandhi apporte son soutien aux indépendantistes, par l’intervention des forces indiennes. Un cessez-le-feu est signé le 17 décembre 1971. La République du Bangladesh est créée. C’est un nouvel Etat souverain, ayant à sa tête Mujibur Rahman. Le conflit, qui a duré du 25 mars au 14 décembre 1971 a fait un nombre de morts mal estimé (entre 300 000 et 3 millions de personnes). 

L’Inde et le Pakistan des années 1970 à 2000

Le Pakistan sous Ali Bhutto jusqu’en 1977

La défaite pakistanaise lors de la troisième guerre indo-pakistanaise entraîne la démission de Yahya Khan. Zulfikar Ali Bhutto, le fondateur du Parti du peuple pakistanais, lui succède à la Présidence de la République en décembre 1971. De tendance socialiste, il s’était opposé au régime d’Ayub Khan dès les années 1960.

Le 8 janvier 1972, Bhutto choisit de libérer Rahman alors condamné à mort. Cet événement marque une tentative de rapprochement pacifiste avec l’Inde. En août, Bhutto et Indira Gandhi signent un accord à Simla qui permet la libération de milliers de prisonniers pakistanais capturés pendant le conflit de 1971. Malgré tout, c’est sous le gouvernement de Bhutto que le Pakistan initie son programme d’armement nucléaire. 

En 1973, une nouvelle Constitution est adoptée, qui transfère le pouvoir exécutif au Premier ministre. Le jour même, Ali Bhutto est investi à ces fonctions, qu’il occupe jusque 1977.

Sur le plan économique, il applique une politique d’intervention étatique, avec de nombreuses mesures sociales. Il annonce dès 1972 un vaste programme de nationalisation des grandes industries énergétiques et métallurgiques du pays. Les mesures s’étendent aux banques et aux compagnies d’assurance dès 1974, puis à certaines entreprises du secteur agricole en 1976. La politique du premier ministre suscite des contestations dès 1973. On lui reproche un bilan économique et social décevant. La réforme agraire, qui était au centre de son programme, aboutit à une redistribution des terres peu ambitieuse. Ali Bhutto est également attaqué sur sa politique de répression des mouvements sociaux, et son rapprochement avec le pouvoir militaire à l’issue de la révolte du Front de libération du Baloutchistan.

Le Parti du peuple pakistanais (PPP) remporte les élections législatives de 1977. L’ opposition dénonce une fraude électorale et le parti politique islamiste pakistanais (Jamaat-e-Islami) alimente les protestations. En réponse, Ali Bhutto fait la promesse d’une islamisation du Pakistan. Pour empêcher les manifestations, il instaure un couvre-feu et la loi martiale dans plusieurs villes. Face à ce coup de force de Bhutto, le 5 juillet 1977, le général Muhammad Zia-Ul-Haq le renverse par un coup d’État.

L’Inde sous Indira Gandhi jusqu’en 1977

En Inde, Indira Gandhi a été réélue en mars 1971. Le troisième conflit indo-pakistanais, amène son gouvernement à se rapprocher de l’Union soviétique. En août 1971, les deux pays signent un « traité de paix, d’amitié et de coopération ». L’alliance permet à l’Inde de se maintenir sur la scène internationale face à la montée de la Chine. Elle prévoit également un soutien militaire de l’Union soviétique face au Pakistan aidé par les États-Unis et la Chine. En 1974, l’Inde devient une puissance nucléaire lorsque la Commission de l’énergie atomique indienne réalise son premier essai, « Bouddha Souriant », à Pokharan.

Sur le plan intérieur, le début du second mandat d’Indira Gandhi est marqué par des mesures populaires et sociales. Elle parvient par exemple à faire adopter l’abolition des privilèges princiers. Mais à partir de 1975, une nouvelle crise politique éclate. Dans un contexte économique où l’inflation est au plus haut, les mécontentements grandissent et les grèves se multiplient. De plus, le gouvernement est accusé de corruption et de favoriser les dirigeants du Congrès. Le discours socialiste du gouvernement est, de fait, en contradiction avec son fonctionnement, qui profite à un système élitiste composé de l’intelligentsia, des grands propriétaires et des capitalistes du pays. Les opposants d’Indira Gandhi souhaitent invalider les résultats de l’élection de 1971. Le Premier ministre proclame alors l’état d’urgence.

Indira Gandhi rompt avec les valeurs de la démocratie en censurant la presse et en interdisant les manifestations. De nombreux chefs de l’opposition sont arrêtés. L’état d’urgence prend fin en janvier 1977. Les prisonniers politiques sont libérés et des élections sont organisées. Mais Indira Gandhi, qui pensait les remporter, est battue par le Parti Janata. Pour la première fois dans l’histoire de l’Inde indépendante, le Congrès perd les élections.

1977-1988 : la dictature militaire de Zia au Pakistan

À son arrivée au pouvoir, le général Zia instaure une dictature militaire et se proclame président de la République en septembre 1978. Il mène une politique de répression et de censure. Ali Bhutto est condamné à mort et exécuté le 4 avril 1979. Le régime autoritaire de Zia est également caractérisé par une politique d’islamisation. Les ordonnances Hudood sont adoptées en 1979. Ces textes s’inspirent de la charia et modifient le droit pénal pakistanais. Ils interdisent notamment les relations hors mariage, les adultères, la consommation d’alcool pour les musulmans. Le non-respect de ces ordonnances est puni par la flagellation, l’amputation ou la lapidation.

En 1984, Zia organise un référendum sur l’islamisation, et en 1986, il instaure la loi interdisant le blasphème : « toute remarque dérogatoire, etc., vis-à-vis du Prophète sacré […] à l’écrit ou à l’oral, ou par représentation visible, ou toute imputation ou insinuation, directe ou indirecte […] sera punie de la mort, ou de l’emprisonnement à vie, et aussi passible d’une amende. »

Face au régime oppressif, des partis de gauche et du centre se réunissent. Sous la conduite du PPP, dirigé par la fille d’Ali Bhutto, Bénazir, ils fondent le Mouvement pour la restauration de la démocratie en 1981. S’opposant à l’islamisation du régime et au rapprochement du Pakistan avec la puissance américaine, ils organisent des rassemblements pacifiques. De fait, le général Zia s’est rapproché des États-Unis depuis qu’il intervient en Afghanistan. Il y apporte une aide aux moudjahidines, qui affrontent les communistes afghans et les troupes d’occupation soviétiques. Son implication dans la lutte contre le communisme lui vaut en retour un accroissement des aides américaines sous la présidence de Jimmy Carter.  Mais l’exode massif des civils afghans au Pakistan accentue les difficultés économiques du pays.

En février 1985, Zia organise des élections législatives où la participation des partis politiques est interdite. Le mois suivant, il restaure la Constitution de 1973, tout en s’octroyant de nouveaux pouvoirs. Il nomme Muhammad Khan Junejo Premier ministre. Mais des désaccords s’élèvent entre les deux hommes. Zia démet Junejo et dissout les assemblées en mai 1988. Le 17 août 1988, l’avion dans lequel se trouve Zia s’écrase.

Vers la transition indienne

Le Parti de Janata accède au pouvoir à l’issue des élections de 1977. Il s’agit d’une coalition des partis de gauche et de droite opposés au Parti du Congrès. Morarji Desai, qui avait été emprisonné sous l’état d’urgence, est nommé Premier ministre. À son arrivée au pouvoir, il rétablit les libertés. Mais le parti se retrouve rapidement en difficulté. Les membres de la coalition ne parvenant pas à s’accorder, Desai démissionne. Il est remplacé par Charan Singh. Les élections de janvier 1980 amènent le retour du Parti du Congrès au pouvoir.

Indira Gandhi, de nouveau Premier ministre, doit faire face aux tensions sur le territoire du Pendjab. Un mouvement séparatiste s’y développe. Il est mené par Akhali Dal, qui revendique la création du Khalistan, un état sikh indépendant. En juillet 1982, les militants sikhs se réfugient dans le Temple d’Or d’Amritsar avec des armes. Indira Gandhi ordonne alors l’opération Bluestar. Le 5 juin 1984, l’armée indienne déploie ses chars et ses hommes pour déloger les séparatistes. L’intervention fait des centaines de morts et le temple est détruit. La violation de ce lieu saint attise la haine que voue la communauté sikhe au gouvernement indien.

Le 31 octobre 1984, Indira Gandhi est assassinée par deux de ses gardes du corps de confession sikhe. Sa mort provoque des émeutes à Delhi, qui font plusieurs milliers de victimes.

Son fils aîné, Rajiv Gandhi lui succède au poste de Premier ministre, à l’issue des élections de 1984. Il bénéficie d’une grande popularité auprès des classes moyennes. Rajiv Gandhi libéralise l’économie, réduit les taxes directes et favorise la recherche. Il souhaite mettre en place « a government that works faster » (« un gouvernement qui marche plus vite »). Son mandat se caractérise par un développement technologique et une croissance industrielle importante. Parallèlement il poursuit, dans la lignée de sa mère, la mise en oeuvre de mesures sociales destinées à lutter contre la pauvreté.

En 1987, il intervient dans la guerre civile au Sri Lanka en envoyant des troupes. À la fin des années 1980, il est impliqué dans le scandale Bofors, une affaire de corruption. Cela aboutit à l’échec du Parti du Congrès aux élections de 1989. Rajiv Gandhi est assassiné lors de sa campagne pour les élections de 1991.

Entre 1989 et 1991, deux premiers ministres se succèdent à la tête de l’État indien : Vishwanath Pratap Singh et Chandra Shekhar Singh. Le pays retrouve une certaine stabilité politique en 1991, avec la victoire du Congrès et l’arrivée au pouvoir de P. V. Narasimha Rao. Ce dernier amorce une série de réformes économiques visant à faire de l’Inde un pays émergent sur la voie de la mondialisation. L’accent est mis sur la libéralisation des investissements étrangers, la diminution des tarifs douaniers, les privatisations et le retrait de l’État.

Un autre homme politique indien marque la décennie, Atal Bihari Vajpayee. Il exerce d’abord brièvement les fonctions de Premier ministre, en 1996. Mais Il est réinvesti en 1998. Sous sa direction, l’Inde intensifie sa course à l’armement nucléaire.

1988-1999 : le Pakistan, sur la voie de la démocratie ?

Après la mort du général Zia, le retour à un régime démocratique est annoncé par l’organisation d’élections législatives en novembre 1988. Ces dernières sont remportées par le Parti du peuple pakistanais. Bénazir Bhutto est élue Premier ministre en décembre 1988, devenant ainsi la première femme à la tête d’un État islamique.

Dès le début de son mandat, elle s’attache à une réorientation de la politique pakistanaise sur la question afghane. Sur le plan intérieur, elle vise à diminuer l’influence des militaires et entame une politique de privatisation des grandes entreprises nationales. Mais elle est démise de ses fonctions en 1990 par le président Ghulam Ishaq Khan, sur des accusations de corruption. L’Assemblée nationale est dissoute et de nouvelles élections sont prévues en novembre 1990.

L’Alliance démocratique islamique, menée par Nawaz Sharif, les remporte face au Parti du peuple pakistanais. Ancien opposant à Bénazir Bhutto, il poursuit cependant sa politique de privatisation économique. Il instaure également un salaire minimum. Parallèlement, Nawaz Sharif relance la politique d’islamisation. En 1991, la Shariat Bill est adoptée afin d’institutionnaliser l’islam. Pendant son mandat, les violences entre les différentes communautés à Karachi se poursuivent,  et sont ravivées par l’opération Clean-Up, organisée en juin 1992 par le gouvernement. Ces événements servent de prétexte pour évincer Sharif qui est contraint de démissionner.

Lors des élections législatives de 1993, le Parti du peuple pakistanais sort vainqueur. Cependant la décennie sera marquée par une alternance entre les gouvernements de Bénazir Bhutto et de Nawaz Sharif. 

De retour à la tête du pays, Bénazir Bhutto souhaite développer les relations avec les puissances occidentales. Lors de visites officielles, elle rencontre notamment François Mitterrand et Hillary Clinton. Elle se rapproche également du Parti politique islamique pakistanais, la Jamiat Ulema-e-Islam, et par conséquent des Talibans. Sur le plan intérieur, dans l’objectif de réduire la dette publique, elle poursuit sa politique de privatisation et favorise les investissements étrangers. Mais les privatisations continuent d’alimenter la corruption. Le président Farooq Leghari la démet à nouveau de ses fonctions en novembre 1996.

La victoire de la Ligue musulmane du Pakistan aux élections législatives de 1997 entraîne le retour de Nawaz Sharif. Ce dernier modifie la Constitution, afin que le Président de la République n’ait plus le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale et de démettre le Premier ministre. C’est sous son gouvernement que le Pakistan réalise son premier essai nucléaire en 1998.

L’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires à l’aube du XXIème siècle

Quatorze ans après son premier essai nucléaire, l’Inde effectue cinq tests nucléaires souterrains à Pokharan, dans le désert du Rajasthan. L’opération a lieu les 11 et 13 mai 1998, sous le nom de Pokharan-II. Les États-Unis et le Japon condamnent ces essais en retirant leurs aides financières à l’Inde. Les 28 et 30 mai 1998, le Pakistan de Nawaz Sharif réplique par deux essais atomiques, Chagai-I et Chagai-II. L’Inde et le Pakistan sont désormais des puissances nucléaires. Ils ne sont pas signataires du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Au début de l’année 1999, les relations indo-pakistanaises semblent s’engager dans un processus de détente. En février, Nawaz Sharif reçoit Atal Behari Vajpayee. Par la déclaration de Lahore, ils s’engagent à trouver un accord sur la question du Cachemire. Mais en mai le conflit de Kargil, ou Guerre des glaciers, éclate. L’infiltration de combattants islamistes, soutenus par le Pakistan, sur la ligne de contrôle du Cachemire, met le feu aux poudres. L’Inde réagit en envoyant des troupes. Mais les conditions de haute altitude sont hostiles aux combattants. La guerre est également aérienne. Le 4 juillet, les puissances étrangères appellent le Pakistan à se retirer. Les combats prennent fin le 26 juillet.

Peu de temps après le conflit, le gouvernement de Sharif est renversé par un coup d’État dirigé par le chef de l’armée, Pervez Musharraf. Cette action marque le retour d’un régime militaire autoritaire au Pakistan. 

Jusque aujourd’hui, les relations entre l’Inde et le Pakistan continuent à être conflictuelles. Le début du XXIème siècle est marqué par les attentats terroristes, les conflits hydriques et la question du Cachemire, qui n’est à ce jour toujours pas résolue.


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Des soldats de l’armée pakistanaise ont hissé le drapeau du Pakistan devant le poste de douane du Rajasthan, en territoire indien, pendant la guerre indo-pakistanaise de 1965, auteur inconnu, n.d.


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