Quelques notions élémentaires sur la Bolivie
La Bolivie est un Etat d’Amérique du Sud, d’une superficie de 1 098 580 km2, soit près de deux fois celle de la France. La géographie du pays est déterminée par les Andes. A l’ouest, montagnes et Altiplano (haut plateau placé entre les deux cordillères); à l’est, plaines tropicales; entre les deux, les Yungas, zone de transition tempérée qui favorise le développement de forêts humides. La Bolivie a des frontières communes avec le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, le Chili et le Pérou. C’est l’un des rares Etats non maritimes d’Amérique du Sud. Très riche en métaux (étain, argent, zinc, plomb, lithium…), en gaz naturel et hydrocarbures, il présente cependant une population parmi les plus déshéritées d’Amérique latine. Au dernier recensement, en 2017, elle comptait 11 138 234 habitants.
Le PIB (40 Mds USD) a doublé en quinze ans, sous l’effet d’un taux de croissance constant de plus de 4, 5 % durant les dix dernières années. Aussi, le taux de pauvreté, toujours très élevé, régresse (43 % en 2016, 37 % en 2019). Les Boliviens sont alphabétisés pour 96,6 % d’entre eux, soit les plus alphabétisés des peuples sud-américains, avec les Cubains et les Vénézuéliens. Leur population est multiethnique, principalement amérindienne (55%), métis (30%) et européenne (15%). La Bolivie est le pays au monde qui compte le plus de langues officielles (39 en tout).
La période du peuplement originel du territoire qui devient la Bolivie est sujette à débat dans la communauté scientifique, mais la plupart des spécialistes s’accordent sur une arrivée des chasseurs-cueilleurs entre 10 000 et 20 000 av. J.-C. Ils forment la civilisation de Tiwakanu qui reste la civilisation hégémonique jusqu’en 1200 apr. J.-C., date à laquelle elle disparaît, probablement à cause d’une sécheresse majeure dans la région. Deux siècles et demi plus tard, les Quechuas, l’ethnie dominante de l’Empire inca, arrivent par le nord du pays et annexent ces terres. Les Incas restent les maîtres de la future Bolivie jusqu’à l’arrivée des conquistadors espagnols, en 1525.
Les Espagnols, intéressés par les grandes ressources en or et en argent du territoire, et notamment les mines du Potosi, commencent leur entreprise de conquête à partir de 1539. Les peuples indigènes sont soumis par la force. De nombreux sont mis en esclavage pour l’extraction des richesses minières. Ils doivent aussi s’assimiler à la culture espagnole, se convertir au catholicisme et vivre sous les lois des conquérants. Les Incas n’ont plus alors aucune perspective de promotion dans l’ organisation coloniale : ils sont proscrits de toute charge et de tout emploi d’encadrement et sont marginalisés.
De la république de Bolivar (1825) au début du XXe siècle
La période coloniale espagnole est émaillée de révoltes populaires suscitées par les indigènes. Cependant, aucune ne parvient à renverser la domination espagnole. L’indépendance bolivienne ne sera pas conquise par des Amérindiens mais par des descendants de l’élite européenne, les criollos ou créoles. L’un d’eux, Simon Bolivar, après avoir libéré le Venezuela et la Colombie en 1820, descend avec ses armées vers le sud et défait l’armée espagnole dans la zone péruvo-bolivienne. En 1825, la République de Bolivie est fondée, prenant le nom du Libertador pour lui rendre hommage. Il est proclamé président du pays et rédige une constitution.
Bolivar laisse le général Sucre gouverner en son nom dès l’année suivante. Le pays reste néanmoins très instable. Sucre ne parvient pas à pacifier la population et se retire en 1828. L’administration qui lui succède, dirigée par le général Santa Cruz, parvient pendant une décennie à apporter une certaine prospérité à la Bolivie. Pendant cette période, la Bolivie envahit le Pérou et forme la Confédération péruvo-bolivienne en 1836. Cette confédération est rejetée par une partie de la population péruvienne. Le Chili et l’Argentine lui déclarent la guerre, craignant qu’elle se renforce et devienne une menace future. Après la défaite de Yungay en 1839, le général Santa Cruz prend la fuite.
Après cet exil s’ouvre une période de forte instabilité pour la Bolivie qui dure plusieurs décennies. La constitution est remaniée à de nombreuses reprises, en 1828, 1831, 1880… Ces changements constitutionnels trahissent autant de secousses politiques : tous les présidents successifs ne parviennent au pouvoir qu’appuyés sur la force. Ces coups d’État à répétition ne permettent pas au pays de croître en unité; on ne saurait y trouver encore une conscience nationale. La situation économique pâtit des troubles, qui dissuadent les capitaux étrangers et empêchent les réformes nécessaires.
En 1879, le Chili saisit l’occasion d’un voisin bolivien si affaibli pour lui déclarer la guerre. Ce conflit, appelé Guerre du Pacifique, oppose la nation chilienne à la Bolivie et ses alliés péruviens. L’ affrontement dure cinq ans, et a pour conséquence majeure la perte pour la Bolivie de ses territoires bordant la mer, désormais chiliens. La question de l’accès à la mer de la Bolivie est encore aujourd’hui une question qui agite les diplomaties internationales. La Paz est toujours en quête d’un accord avec le Chili pour retrouver un accès maritime. L’impossibilité de commercer par la voie océanique constitue un frein au développement économique bolivien, laissant le pays sous la dépendante du Chili ou du Pérou.
Malgré la défaite militaire et le rétrécissement territorial, le prix de l’argent, matière première dont dispose la Bolivie en quantité, s’envole sur les marchés mondiaux et apporte au pays une nouvelle stabilité économique. Après une période de domination politique des conservateurs, et une guerre civile sanglante (1898-1899) les opposant aux libéraux, ce sont ces derniers qui prennent le pouvoir durablement. Jusqu’en 1920, ils vont redistribuer une partie des richesses nationales, notamment en développant l’instruction publique. Le coup d’État de 1920 met un terme à la période libérale.
En 1932, suite à la découverte de pétrole dans la région du Gran Chaco, le Paraguay et la Bolivie entrent en conflit armé pour contrôler cette nouvelle manne. À cette découverte s’ajoute le problème principal, cause de nombreux conflits en Amérique latine : la définition floue des frontières de ces États post-coloniaux devenus indépendants . La région étant désertique, elle est inhabitée. Un arbitrage de la Société des Nations met fin à la guerre en 1935. Cette décision est défavorable à la Bolivie : le Paraguay rattache à son territoire la majorité du Gran Chaco.
À partir de 1935, Victor Paz Estenssoro et son Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) prennent de plus en plus de place dans le paysage politique national. En 1951, le MNR remporte les élections, mais l’armée l’empêche de s’installer à la présidence. Les paysans et les mineurs boliviens se révoltent, et obtiennent la tenue de nouvelles élections, que le MNR remporte à nouveau. Plusieurs grandes réformes sociales sont adoptées, notamment la nationalisation des mines d’étain qui jusqu’ici étaient entre les mains de l’oligarchie bolivienne, mais aussi la mise en place du suffrage universel et la redistribution des terres agricoles.
Le MNR gouverne pendant une douzaine d’années, mais ses dissensions internes érodent sa légitimité et le soutien populaire. En 1964, Paz Estenssoro est renversé par un pronunciamento. Les différentes compagnies d’hydrocarbures et minières sont à nouveau privatisées. Plusieurs dictateurs se succèdent pendant près de dix-huit ans, jusqu’à ce que la pression des États-Unis ainsi que les mouvements de grève forcent les militaires à organiser de nouvelles élections.
En 1982, la démocratie est rétablie, mais elle doit affronter une condition économique difficile à cause de la diminution du prix de l’étain . À partir de 1985, le régime politique se stabilise. Les politiques publiques, en revanche, continuent d’osciller entre davantage de redistribution pour calmer les tensions sociales, et nouvelles vagues de privatisations menant à d’importantes hausses du chômage. Les inégalités sociales se creusent.
Jusqu’au début du XXIe siècle, les gouvernements se succèdent, mais la situation économique reste toujours instable. En 2006, Evo Morales est élu président. Il est le premier chef d’État de la Bolivie d’origine amérindienne. Dès son investiture, il renationalise les industries d’hydrocarbures : « Nous avons commencé à nationaliser les hydrocarbures, demain ce seront les mines, les forêts et toutes les ressources naturelles ». Parallèlement, il double le prix du gaz naturel (la Bolivie étant le deuxième plus gros fournisseur de gaz fossile d’Amérique latine) à partir du mois de mai. L’effet souhaité étant de remplir les caisses de l’État.
Rapidement, Evo Morales s’attèle à un autre chantier important pour la Bolivie : la gestion de l’eau. Cette ressource vitale, jusqu’ici entre les mains de multinationales, avait fait l’objet quelques années plus tôt de mobilisations populaires importantes pour en réclamer la gestion publique. Morales met en place cette administration publique de l’eau à partir de 2007.
Concernant les terres agricoles, il fait adopter une réforme agraire, approuvée à plus de 80% de la population par référendum. Cependant, sous la pression des industriels, cette mesure ne sera jamais appliquée et le gouvernement d’Evo Morales tentera, comme un pis aller, de concilier les intérêts des grands groupes avec l’amélioration des conditions de vie des paysans. Ce compromis apportera quelques avantages aux petits travailleurs agricoles : de meilleures infrastructures routières, des systèmes d’irrigations améliorés et des fournitures de matériel et de bétail.; surtout l’accès à des financements à bas coûts (réforme bancaire).
En 2006, une Assemblée constituante est élue pour rédiger une nouvelle constitution. Le texte est approuvé en 2009. La nouvelle constitution reconnaît la diversité culturelle, et notamment la population amérindienne, en définissant la Bolivie comme un État plurinational. Le texte organise aussi un meilleur pouvoir de l’Etat sur les ressources naturelles.
Sur le plan international, la présidence d’Evo Morales connaît différents conflits diplomatiques avec les États-Unis, principalement autour des questions portant sur la répression des cartels de drogue. A cet égard, la Bolivie est dans la situation particulière où la consommation de la feuille de coca est avant tout une consommation traditionnelle. Toutefois, une partie importante de la production de cette feuille est détournée vers l’industrie criminelle de la cocaïne, que les États-Unis veulent supprimer. Au-delà du continent américain, Evo Morales se distingue par de nombreuses prises de position sur la responsabilité des pays occidentaux quant au dérèglement climatique. En septembre 2009, il déclare à la tribune des Nations unies vouloir que ces pays reconnaissent leurs responsabilités et leurs dettes sur ce plan , vis-à-vis notamment des pays en voie de développement : « « Tôt ou tard, avec la force populaire, ils finiront par accepter un tribunal pour les crimes contre l’environnement […] S’il n’y a pas de sanctions, qui va faire respecter un quelconque protocole sur le climat ? ».
En novembre 2019, à la suite d’une controverse autour de sa dernière réélection, entachée de soupçons, Evo Morales est poussé à la démission par l’armée, – ce qu’il qualifiera plus tard de « coup d’État ». L’année suivante, c’est son « dauphin » proclamé qui remporte les nouvelles élections dès le premier tour : l’ancien ministre de l’Économie Luis Arce. L’homme est populaire en raison de sa politique ayant connu la forte croissance économique de la Bolivie durant la présidence de Morales. Toutefois, ces remous politiques ont ravivé l’opposition des conservateurs et des libéraux, veilles familles politiques qui n’ont jamais totalement reconnu la légitimité du parti de Morales (le MAS). Depuis, les mouvements sociaux et les protestations se multiplient : la stabilité qu’avait apportée Evo Morales au pays n’est plus.
Illustration : Arturo Michelena (1863–1898), El Libertador en traje de campaña (détail), huile sur toile, 1895.
Photographié par Wilfredor pour Wikipedia
Galería de Arte Nacional, Caracas (Venezuela)