FICHE HISTOIRE
Après presque vingt-cinq ans d’affrontement politique sur la place de la religion catholique dans la société française, la loi du 9 décembre 1905, dont Aristide Briand est le rapporteur, institue la séparation des Églises et de l’État. Ce texte est porté par le ministre de l’Intérieur Émile Combes. Il met fin au Concordat instauré en 1801 qui régissait les relations entre l’Église catholique et l’État. Ce dernier se veut dorénavant neutre : il n’y a plus de religion officielle. Tous les cultes sont traités de manière égale.
Début du XXème siècle
1903 : Émile Combes, ministre de l’Intérieur et des cultes, figure de proue de l’anticléricalisme, ouvre une commission sur une éventuelle séparation entre les Églises et l’État.
Après la loi sur la liberté associative du 1er juillet 1901, réduisant l’Église au statut d’association cultuelle, Émile Combes, ancien séminariste surnommé « le Père Combes », en met en application plusieurs articles et fait expulser la majorité des congrégations religieuses.
7 juillet 1904 : L’interdiction aux membres des congrégations d’assurer l’enseignement entre en vigueur.
C’est le point culminant des mesures anti-congréganistes du gouvernement Combes. 2500 écoles privées sont fermées et les religieux concernés doivent quitter le territoire. 1904 marque aussi la rupture des relations diplomatiques avec la papauté.
Émile Combes, né le 6 septembre 1835 et mort le 25 mai 1921, est un homme d’État français.
Sénateur radical-socialiste de la Charente-Inférieure en 1885, il devient président de la Gauche démocratique.
Il entre au ministère de l’Instruction publique en 1895. En 1902, il est désigné président du Conseil et mène alors une politique dite « combisme » fortement anticléricale, qui donne naissance en 1905 à la loi de séparation des Églises et de l’État et achève la fondation de l’école laïque en France.
1905 : La loi de la partition entre Églises et État est définitivement adoptée.
Cette loi supprime leur statut spécial aux quatre religions présentes en France (catholicisme, protestantisme, judaïsme et luthéranisme) mais leur laisse l’usage gratuit des lieux de culte. Les confréries, les congrégations et les établissements de culte doivent être transformés en associations cultuelles.
La séparation des Églises et de l’État conduit à la redéfinition des règles de propriété et d’entretien des édifices cultuels. Les édifices cultuels propriétés de l’État ou des collectivités locales avant la loi de 1905 (notamment les églises catholiques nationalisées lors de la Révolution française) resteront dans le domaine public. Les édifices cultuels qui appartiennent aux établissements publics du culte seront transférés aux associations cultuelles nouvellement constituées.
Toutefois, devant le refus de l’Église catholique de créer des associations cultuelles, les églises deviennent des propriétés publiques dévolues à l’exercice du culte par la loi du 2 janvier 1907. Le pape Pie X condamne cette loi.
La loi concernant la séparation des Églises et de l’État est une loi française codifiant la laïcité. Adoptée le 9 décembre 1905 à l’initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, elle est un des actes fondateurs de la laïcisation de l’État.
Ci-contre, la première page de la « Loi concernant la séparation des Églises et de l’État », ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des cultes, 1905.
Archives nationales (France)
1906 : La « querelle des inventaires » envenime les relations entre l’État et les cultes.
Afin d’éviter les litiges concernant les biens des édifices religieux, ces derniers doivent être inventoriés. Or, le fait d’ouvrir ainsi les tabernacles constitue un grave sacrilège aux yeux des catholiques. Très vite, les inventaires tournent à l’émeute dans certains départements. Par la suite, le nouveau ministre de l’Intérieur Georges Clemenceau, malgré son anticléricalisme viscéral, met fin aux inventaires, pour calmer les troubles.
Première guerre mondiale
1914-1918 : L’Église catholique participe à l’effort national.
En dépit d’un anticléricalisme encore très présent dans les plus hautes sphères de l’État, l’Église de France encourage les prêtres et les religieux à répondre à l’appel de la mobilisation. Son patriotisme l’amène à se rallier au gouvernent et à soutenir la résistance à l’envahisseur allemand. Depuis 1889, la loi prévoit de ne plus exempter les ecclésiastiques du service militaire. On parle alors de « curés sac à dos ». Affectés aux services de santé, 31 000 ecclésiastiques vont faire partie des corps combattants (16 % ne reviendront pas).
La loi du 15 juillet 1889 avait supprimé les exemptions de service militaire pour les ecclésiastiques qui étaient désormais tenus à un an sous les drapeaux. On a alors parlé de « curés sac à dos ». En cas de mobilisation, la loi les affectait aux services de santé. La mobilisation d’août 1914 va démontrer le patriotisme des ecclésiastiques.
Entre-deux-guerres
1919 : L’Alsace et la Moselle, qui retournent dans le giron français, conservent les statuts du concordat.
Terres allemandes depuis la guerre franco-prussienne de 1870-1871, l’Alsace et la Moselle n’ont pas été concernées par l’application de la loi de 1905. Elles posent comme condition à leur réintégration au territoire français la conservation des statuts prévus par le concordat de 1801. Le général Joffre et le président Raymond Poincaré acceptent cette exception, toujours en vigueur aujourd’hui.
1924 : Le gouvernement, qui veut imposer de nouvelles mesures anticléricales, rencontre la résistance des cultes.
Le cartel des gauches envisage dès son arrivée au gouvernement de prendre de nouvelles mesures anticléricales, notamment le renvoi de l’ambassade du Vatican et la révision du concordat de 1801 en Alsace-Moselle. Mais face à l’hostilité des milieux religieux et à l’appel des évêques de France, le président du Conseil Édouard Herriot fait marche arrière.
1924 : Un compromis entre la France et le Saint-Siège aboutit à la création des associations diocésaines.
Après le refus des catholiques de constituer les associations cultuelles de la loi de 1905, un accord entre l’État français et la papauté permet d’instituer les associations diocésaines. Dirigées par les évêques, leur fonction est uniquement de se charger des bâtiments et du traitement du clergé (l’exercice du culte restant du ressort des associations cultuelles).
1926 : Le Vatican condamne l’Action française, mouvement politique d’extrême-droite se campant en tenant du catholicisme.
Considérée par certains catholiques comme une « invasion laïque », la politique gouvernementale est dénoncée par l’épiscopat mais aussi par des mouvements politiques. L’Action française, parti politique nationaliste contre-révolutionnaire et royaliste cofondé par Charles Maurras en 1899, se fait le défenseur de l’Église catholique. Pour autant, l’Action Française trouve aussi au sein de l’Église de farouches adversaires, dont le pape Pie XI, qui condamne l’organisation politique en 1926, jugée coupable d’irréligion.
Achille Ratti, né le 31 mai 1857 et mort le 10 février 1939, est un prêtre catholique, archevêque de Milan. Cardinal en 1921, il est élu l’année suivante 259ème évêque de Rome, et par ainsi pape de l’Église catholique, sous le nom de Pie XI.
Son pontificat, du 6 février 1922 à sa mort, est marqué par le règlement de la question romaine, avec la reconnaissance et l’institution de l’État de la Cité du Vatican par les accords du Latran en 1929. Il est confronté à la montée des totalitarismes en Europe, communisme (1917), fascisme (1922) et nazisme (1933).
Régime de Vichy
1939-1945 est une période trouble pour l’Église catholique en France. L’entrée en guerre provoque un regain de patriotisme chez les catholiques et le retour de l’union sacrée. Cependant, après la reddition de la France face à l’Allemagne nazie, le régime de Vichy est instauré. Après des décennies de politique anticléricale, l’Église trouve dans ce gouvernement traditionaliste et antisémite un allié.
1941 : La France de Vichy prend plusieurs décisions en faveur de l’Église, notamment en termes d’éducation.
Les lois du 21 février 1941 autorisent de nouveau les congrégations religieuses à enseigner. D’autre part, l’Église restera silencieuse face aux lois anti-juives jusqu’en 1942.
Philippe Pétain, né le 24 avril 1856 et mort en détention le 23 juillet 1951, est un militaire et homme d’État français. Vainqueur de la bataille de Verdun durant la Première guerre mondiale, il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1918. Chef d’État du gouvernement de Vichy, il est frappé d’indignité nationale et déchu de sa distinction militaire après la Libération, en 1945.
1942 : Des fidèles et des ecclésiastiques manifestent leur opposition à la politique du gouvernement de Vichy. À l’inverse, l’épiscopat se range en majorité derrière le régime.
Après les rafles du Vel d’Hiv, en 1942, plusieurs archevêques et évêques s’opposent à la politique du gouvernement. Carl Oberg, chef de la SS et de la police en France, et Roland Krug von Nida, ambassadeur d’Allemagne auprès du régime de Vichy, font état d’une résistance et d’une agitation dans les milieux ecclésiastiques.
Face au Service du travail obligatoire (STO), l’Église est divisée. Chez les fidèles, la ligne dominante est celle de la désobéissance, menée notamment par l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF). Au contraire, l’Assemblée des cardinaux et archevêques s’aligne sur la position du cardinal Liénart, évêque de Lille, et exhorte les jeunes catholiques à partir pour l’Allemagne. Les ecclésiastiques y sont aussi invités, donnant naissance au statut des « prêtres-ouvriers ».
Plusieurs ecclésiastiques s’engagent dans la Résistance, tels Monseigneur Saliège, Lucien Bunel dit le père Jacques ou encore le père Roger Derry, exécuté à Cologne en 1943. Ils sont membres de mouvements clandestins comme « Combat » ou « Liberté » (ce dernier fondé par François de Menthon, ancien responsable de l’Action catholique).
Le nom de régime de Vichy désigne le régime politique autoritaire instauré en France durant la Seconde Guerre mondiale. De nature traditionaliste et antisémite, ce régime avait à sa tête le maréchal Philippe Pétain, secondé par le chef du gouvernement Pierre Laval en 1940 et de 1942 à 1944. Le régime de Vichy est ainsi dénommé en raison du siège de son pouvoir à Vichy, en zone libre. Il a collaboré avec l’Allemagne nazie, notamment pour la déportation des juifs et le Service du Travail Obligatoire.
Libération
24 août 1944 : Les églises de Paris sonnent les cloches pour saluer l’entrée des troupes du général Leclerc dans la capitale libérée.
Cette manifestation de patriotisme des églises catholiques ne signe cependant pas la réconciliation. Les résistants catholiques, dont Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance (CNR), demandent une épuration de l’Église. Plusieurs prélats sont expulsés ou condamnés, comme le prêtre Jean de Mayol de Lupé, aumônier volontaire de la Division SS Charlemagne.
D’autre part, le Vatican refuse de reconnaître le gouvernement provisoire de la République française (GPRF). En guise de réponse, le général de Gaulle renvoie le nonce apostolique Valerio Valeri.
Charles de Gaulle, communément appelé le général de Gaulle, né le 22 novembre 1890 et mort le 9 novembre 1970, est un militaire, résistant, homme d’État et écrivain français.
Il est notamment chef de la France libre puis dirigeant du Comité français de libération nationale pendant la Seconde guerre mondiale, président du Gouvernement provisoire de la République française de 1944 à 1946, président du Conseil des ministres de 1958 à 1959, fondateur de la Cinquième République, en 1958, et président de la République de 1959 à 1969.
Deuxième moitié du XXème siècle
1946 : La nouvelle Constitution revient aux dispositions laïques d’avant le régime de Vichy.
Après la guerre, la démocratie française entame son relèvement. La Constitution de 1946, à l’image de celle de la Troisième République, proclame que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Par ailleurs y est inscrit que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’État », rendant ainsi caduques les dispositions prises par le régime de Vichy quant à l’enseignement.
1958 : La Vème République est proclamée.
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
1962-1965 : Le concile de Vatican II permet à l’Église catholique d’entamer une mutation profonde et de mieux répondre aux attentes de ses fidèles.
Ouvert par le pape Jean XXIII, le concile de Vatican II a lieu de 1962 à 1965, Paul VI prenant le relais de son prédécesseur décédé en 1963. Par ses mesures progressistes, telles la fin de la messe en latin, la participation des fidèles à la liturgie et l’ouverture du dialogue avec les autres religions, le concile fait « entrer l’Église dans la modernité ».
Cette réforme majeure ne sera pas unanimement acceptée. Les traditionnalistes renâclent devant ce tournant progressiste ; à l’inverse, quelques ecclésiastiques lui reprochent son manque d’ambition.
L’après-Vatican II verra une diminution de la pratique dominicale et un recul des vocations sacerdotales. Cette crise traverse toujours l’Église aujourd’hui.