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L’Allemagne - seconde moitié du XXe siècle
Les principaux jalons
Par Yann-Stéphane Bela Nke

La fin de la Seconde guerre mondiale et le destin de l’Allemagne d’après-guerre

Jusqu’en 1943, l’issue de la guerre est véritablement incertaine. Lorsque les représentants des forces alliées se réunissent, il n’est question que de stratégie militaire. Ce n’est qu’à partir de l’hiver 1943 que la victoire des Alliés se profile et, avec elle, le sort de l’Allemagne. Le 28 novembre 1943, pour la première fois, les Trois grands (Winston Churchill, Franklin Roosevelt et Joseph Staline) vont se réunir à Téhéran, en Iran. Ils vont notamment décider du « démembrement » de l’Allemagne. Le devenir de ces territoires sera débattu à travers plusieurs conférences. Il est même envisagé de convertir l’Allemagne en terres essentiellement agricoles. En février 1945 se tient la conférence de Yalta, en Crimée. La chute du IIIe Reich est imminente et les Trois Grands se réunissent à nouveau. Il est décidé de scinder l’Allemagne en trois zones occupées (américaine, anglaise et soviétique) par les Alliés. Plus tard, Churchill, lors d’habiles négociations, réussira à faire siéger la France à la table des Alliés et une quatrième zone, administrée par celle-ci, sera créée. Au vrai, Churchill craint le rapport de force avec les États-Unis et l’Union soviétique et souhaite s’épauler sur une autre puissance européenne.

« Un rideau de fer vient de s’abattre sur l’Europe »

Winston Churchill, 5 mars 1946

En 1948, les responsables des trois zones occidentales s’accordent sur le principe de la fusion de leur zone et sur la création d’un État allemand occidental qui aurait sa propre constitution. Mis devant le fait accompli, les Soviétiques réagissent violemment, considérant ceci comme une violation des accords de Yalta et Potsdam. Dès mai 1948, ils organisent un  blocus de Berlin. La capitale est alors privée d’électricité et de nourriture. Toutefois, les Américains ripostent en organisant un pont aérien, qui ravitaillera la ville pendant un an.

À l’été 1949, Staline est obligé de lever le blocus. Celui-ci a permis aux États-Unis de faire une démonstration de puissance et de logistique, ayant réussi à faire atterrir un avion toutes les trois minutes. Aux yeux des Allemands de l’Ouest, les Américains n’apparaissent désormais plus comme une force d’occupation, mais comme protecteurs et amis.

La suite du blocus de Berlin est une montée des tensions entre l’Ouest et l’Est. En septembre 1949, à partir des zones occidentales, est créée la République fédérale d’Allemagne (RFA). La  réplique soviétique est de créer dès le mois suivant,  dans  la zone orientale, la République démocratique d’Allemagne (RDA).

Le 8 mai 1949, la RFA adopte sa Loi fondamentale. Une constitution particulièrement portée sur le processus de dénazification entamé dès la fin de la guerre. L’accent est par ailleurs mis sur la démocratisation de la société et la promotion des libertés individuelles. De 1949 jusqu’à la réunification, la Loi fondamentale ne s’appliquera qu’à l’Ouest, puis à partir de la réunification, à l’ensemble du pays. La RDA se dote d’une constitution similaire, prônant les mêmes valeurs, mais en apparence seulement, le régime étant sous la coupe de Moscou.

Les années Adenauer en RFA (1949-1963)

Adenauer est le premier chancelier de la RFA. Sur le plan politique, c’est un chrétien démocrate, il participe à la création du parti démocrate allemand (1945). Il sera chancelier de 1949 à 1963. Sur le plan national, les premières années de son exercice sont marquées par un développement économique fulgurant. On parlera de « miracle économique », la RFA devenant, dès le début des années 1950, le pays le plus riche d’Europe. Ce miracle s’est produit grâce à une politique beaucoup plus libérale que dans les autres pays européens, mais également grâce à une population allemande dynamique et une main d’œuvre bon marché.

Konrad Adenauer sera également l’un des principaux artisans de la réconciliation entre son pays et la France, entreprise qui va se concrétiser par plusieurs actes. En 1952, la RFA participe à la création de la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) traité conclu entre six États : France, Italie, RFA, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg. Adenauer sera également l’un des promoteurs de la Communauté européenne de défense (CED) signée le 27 mai 1952, mais qui, rejetée par l’Assemblée nationale française, n’entrera jamais en vigueur. Pour les parlementaires et l’opinion publique français, la militarisation de l’Allemagne demeure un sujet sensible. Par ailleurs, Nikita Khrouchtchev, qui a succédé à Staline, mort en 1953, prône une relation différente, plus diplomatique, avec l’Occident. Selon le mot du nouveau maître du Kremlin, une « coexistence pacifique » doit s’établir entre les deux blocs. Pour les Européens, il devient moins urgent de mettre en place une organisation européenne de défense.

Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et Konrad Adenauer signent le traité de l’Élysée ou traité d’amitié franco-allemand, un accord de coopération destiné à sceller la réconciliation des deux États. Cet acte prévoit des rencontres régulières entre la France et l’Allemagne, pour aligner leurs politiques dans le processus de construction européenne. Konrad Adenauer est un fervent partisan de l’Europe fédérale. Pour lui, la construction économique européenne doit conduire naturellement à une union politique. Adenauer sera aussi le chancelier de la réconciliation de la RFA avec l’Europe.

La fin des années Adenauer est toutefois marquée par un accroissement des tensions entre l’est et l’ouest, symbolisé par l’édification soudaine, en août 1961, du mur de Berlin. En 1958, Khrouchtchev, premier secrétaire du parti socialiste soviétique, avait exigé des Américains qu’ils quittent la zone occidentale de Berlin et la neutralité idéologique du gouvernement de l’ouest. Depuis le début de la Guerre froide, les populations de la RDA se réfugiaient en nombre en territoire ouest-allemand et Khrouchtchev souhaitait contenir cet exode. La réaction des Américains aux pressions soviétiques fut de doubler leurs effectifs militaires présents dans Berlin-Ouest. Le mur de Berlin est le résultat de ce raidissements des positions sur le terrain.

Le rapprochement des deux Allemagnes

De 1955 à 1969, la RFA suit la doctrine Hallstein, du nom du ministre des Affaires étrangères allemand, Walter Hallstein, déclarant la République fédérale allemande comme le seul État allemand légal, et la RDA, contrairement, comme un territoire sous occupation soviétique. Selon cette même doctrine, tout État qui proclamerait la reconnaissance de la RDA, devait s’attendre à voir ses relations diplomatiques rompues avec la RFA.

Toutefois, en 1969, le pouvoir politique à Bonn, capitale de l’Allemagne occidentale, passe en d’autres mains. Les démocrates chrétiens sont remplacés par les libéraux et Willy Brandt devient le nouveau chancelier de la RFA. Il va entamer l’Ostpolitik, la « politique vers l’Est », qui rompt avec l’ancienne doctrine. Le 21 décembre 1972 est signé le Traité fondamental entre la RFA et la RDA, base de nouvelles relations diplomatiques entre les deux entités, mais également d’une coopération et d’échanges accrus, notamment sur le plan commercial. L’Ostpolitik se veut une politique de rationalisation, de retour à la normale, et de dialogue politique entre la RFA et la RDA. Elle marque de surcroît la reconnaissance par la RFA des frontières de la Pologne d’après guerre. RFA et RDA parviennent à s’entendre sur le statut de la ville de Berlin, rendant possible la pacification entre Berlin Ouest et Est. Une réglementation des voix d’accès est établie. Au terme de ce processus, la RFA et la RDA se reconnaissent mutuellement comme États.

Chute du mur de Berlin, réunifications et nouvelles perspectives

En 1989, la Hongrie décide d’ouvrir ses frontières à l’ouest, vers l’Autriche. Dès l’été, les Allemands de l’Est profitent de cette brèche dans le « rideau de fer » pour passer en Allemagne de l’Ouest. Leur exode va galvaniser leurs concitoyens demeurés en RDA, qui réclament de plus en plus de libertés (dans les médias, la vie politique et pour la circulation des personnes). Le gouvernement de la RDA, pris au dépourvu et paniqué, prononce, le 9 novembre 1989, par la bouche de Günter Schabowski, membre du bureau politique du SED, le parti unique est-allemand, une allocution à la télévision, très confuse, qui évoque une possibilité de voyager. Aussitôt des manifestants nombreux se massent au pied du mur de Berlin et le jettent à bas. Malgré la réticence de l’URSS et de Gorbatchev, la réunification est déclarée en octobre 1990.

Cette nouvelle Allemagne détient désormais une position stratégique au cœur de l’Europe, entre le bloc de l’Ouest et l’ancien bloc soviétique, à l’est. Une frange d’intellectuels allemands prônent alors un relâchement des relations avec l’ouest, parfois vécues comme contraignantes, au profit de l’est, qui ouvre sur un monde de nouvelles opportunités. De ce point de vue, l’Allemagne réunifiée dispose de l’avantage d’hériter des relations établies par la défunte RDA avec les pays de l’est. Au surplus, encourager la stabilité politique et économique des anciens régimes de l’est participe de l’assurance des propres sécurité et stabilité de la RFA. C’est encore pour elle une voie pour tenter de se préserver d’une émigration massive venue de l’est.

La Chine : partenaire économique privilégiée et exemple du pragmatisme diplomatique allemand

En 1993, le gouvernement du chancelier Kohl adopte une stratégie pour l’Asie et la Chine. Plusieurs responsables ministériels (affaires étrangères, économie…) définissent les marchés asiatiques comme riches de promesses, notamment du fait de leur démographie importante. Outre la Chine, sont aussi ciblés les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) tels que la Corée du Sud ou Taïwan. En novembre 1993, le chancelier se rend en Chine accompagné d’une cinquantaine de chefs d’entreprise, dans le but de mener des discussions commerciales et économiques. S’invite à cette visite, la thématique du respect des Droits de l’homme en Chine. L’approche allemande à cet égard sera pragmatique. La Chine doit devenir un partenaire commercial important ; il n’est pas question de la pointer du doigt publiquement. L’Allemagne réservera ses professions de vertu démocratique à l’intimité des rencontres diplomatiques.

Dès lors, l’Allemagne entreprend d’implanter les fleurons de son industrie dans le sol chinois, notamment à travers les joint ventures (coentreprises), qui favorisent le transfert des connaissances, l’un des atouts de l’économie allemande étant la fabrication de produits à haute valeur ajoutée. Aujourd’hui, le poids et l’influence de la Chine dans l’économie allemande est considérable. La Chine est devenue le plus important partenaire commercial de l’Allemagne depuis 2016, devant la France et les États-Unis.

Du deutschemark à l’euro

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les capacités économiques de l’Allemagne sont fortement réduites en comparaison avec la période pré-conflit. Les capitaux sont rares, les investissements réduits à rien, le reichsmark n’a que peu de valeur d’échange. L’économie allemande nécessite une refonte totale. Les Américains vont en être les maîtres d’œuvre. Pour beaucoup d’historiens, la Guerre froide débute véritablement en 1947, avec la proposition du plan Marshall par les Etats-Unis. Le plan vise à soutenir la reconstruction et l’économie de l’espace européen dévasté par le conflit, mais également à contenir l’expansionnisme idéologique soviétique. Les Américains envisagent également de doter l’Allemagne d’une économie prospère, au détriment de l’Est. Le 20 avril 1948, Lucius Clay, gouverneur de la zone américaine, réunit 25 experts financiers allemands, qui vont devoir œuvrer à une réforme monétaire et penser une nouvelle monnaie sur la base des instructions américaines.

Le 20 juin 1948, c’est chose faite, le deutschemark est officiellement introduit. Les Allemands n’ont même pas eu besoin de battre monnaie, les Américains s’en sont occupé (par la suite, cette responsabilité reviendra à la Bank Deutscher Länder, créée en mars 1948). Ils livrent par cargaisons entières la nouvelle monnaie, qui sera répartie dans les trois zones sous occupation occidentale. Les habitants de ces zones sont par ailleurs invités à abandonner leur ancienne monnaie au profit de la nouvelle. Si les premiers temps, ceux-ci vont s’estimer lésés par le change, au fil des années le deutschemark va se révéler une monnaie très solide. Les échanges sont de nouveau possibles et la production en est favorisée. Après la réunification, le deutschemark devient également la monnaie de l’Est, bien qu’il y circulait déjà clandestinement.

En janvier 2002, l’introduction officielle de l’euro est mal acceptée par l’opinion allemande, la monnaie européenne remplaçant un mark devenu avec le temps l’étendard de la réussite économique du pays. Paradoxalement, l’Allemagne a poussé idéologiquement à la nouvelle monnaie. Mais elle y a aussi mis des conditions rigoureuses, aboutissant aux « critères de Maastricht » du nom du traité qui encadre l’avènement de la monnaie unique, conditions qui vont durablement profiter à l’économie allemande – pour répondre à son modèle monétaire de stabilité –, mais défavoriser ses voisins européens, assujettis à une devise trop forte pour leurs propres économies.

Illustration : Porte de Brandebourg, Berlin, Allemagne
Téléversement de Chantal Lenting

Source : Pexels
Licence : libre d’utilisation


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